samedi 7 septembre 2013

P1 - Séance 2 : L’atelier du peintre.


Lucian Freud ouvre son Atelier

Âgé aujourd’hui de 88 ans, Lucian Freud est l’un des plus grands peintres britanniques de son temps. Une exposition articulée autour du thème de l’atelier, cet espace forclos qui détermine profondément la démarche créative de l’artiste, a eu lieu en 2010 au centre Pompidou de Paris. 

Lucian Freud peint exclusivement depuis son atelier, y compris les extérieurs: Ses paysages urbains sont vus de sa fenêtre, il peint son propre jardin depuis son atelier.

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Painter’s Garden with Eli, 2006[Le Jardin du peintre avec Eli]
Photographie, 56,5 x 75,8 cm
David Dawson, courtesy of Hazlitt Holland-Hibbert, Londres


L’atelier joue un rôle crucial dans l’univers de Lucian Freud. Cela se constate tout d’abord dans sa thématique. Ce qu’il choisit de peindre se situe le plus souvent à l’intérieur de son atelier. Les plantes ou les vues de jardins pourraient constituer des exceptions si elles n’étaient, la plupart du temps, des plantes d’intérieur ou des vues à partir de l’atelier. Même quand son regard décide de s’aventurer dans la ville, il le fait de préférence depuis une fenêtre.  L’extérieur semble toujours perçu à partir d’un intérieur.
S’il ne sort pas physiquement de son atelier pour peindre, Freud n’en sort pas non plus mentalement. Sa démarche picturale fondée sur l’observation scrupuleuse du réel, le contraint à une forclusion complète. Dans cet espace protégé, Freud va travailler en alternance sous deux régimes de lumière. Il y a les peintures de nuit, inondées de lumière électrique, et les peintures de jour réalisées sous éclairage naturel.
L’atelier devient l’outil d’un contrôle total par l’artiste de tout ce qui risque d'agir sur la réalité qu’il choisit de représenter. Peindre devient un acte intime, privé, rendu possible par l’enfermement de l’artiste et de son modèle dans un espace protégé. Dans certaines toiles, l’atelier et son rôle dans la constitution de la vision du peintre sont un thème à part entière. L’interdépendance entre un intérieur dépeint et le peintre en tant que subjectivité capable de témoigner, semble être un sujet récurrent de la peinture figurative. Freud va le développer pour lui donner une dimension rarement atteinte.
L’atelier, par sa façon de contenir ce qui obsède sa vue devient partie de lui-même. Les murs sont autant de parois internes qui retiennent son champ visuel : des extensions de son orbite oculaire. C’est ainsi que l’espace clos de l’atelier peut en venir à signifier l’intériorité du peintre. 


Cet enfermement obsessionnel acquiert une nouvelle dimension chez Freud par sa façon d’inclure, dans certaines toiles, les taches de peinture faites sur le mur. Le devenir corps de l’atelier s’intensifie quand on réalise que les taches qui souillent les murs sont les mêmes qui servent habituellement à dépeindre les corps. Une tache sur le mur dans le tableau est la trace d’un excédent de couleur qui a servi à représenter un corps, dans une autre toile. La mise en abîme déclenchée par ce retour, rend manifeste l’étrange équilibre qui traverse toute l’œuvre de Freud dans sa façon de concevoir son atelier comme le réceptacle de ce qu’il peint. Sans pouvoir vraiment parler de similitude, on ne peut s’empêcher de ressentir un certain rapport entre la matière murale et la matière corporelle.


Working at Night, 2005[Au travail la nuit]
Photographie, 56,7 x 76 cm
David Dawson, courtesy of Hazlitt Holland-Hibbert, Londres 



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